Une discipline et des sujets d'étude

Cette discipline universitaire est fondée sur la recherche, l'actualisation et la transposition de problématiques historiques, scientifiques, autour de phénomènes artistiques et culturels. Ainsi, l'histoire de l'art est spécialisée dans la création artistique et ses divers dimensions et concepts (parfois compris comme des fictions) : idée (l'art, la culture), objet (l'œuvre, la technique, la matière), individu (l'artiste, le spectateur), langage (les discours portés dans et autour de l'objet d'art, le medium, la perception), expérience poétique (qu'est-ce que faire œuvre ?) ou imaginaire (la représentation, la figure).

À l'origine de l'histoire de l'art

On retrouve ces questions face à des collections d'objets et des pratiques depuis l'Antiquité méditerranéenne (Pline l'Ancien1, Pausanias le Périégète), l'Inde classique (Muni Bharata2, Abhinavagupta), la Chine ancienne (Confucius, Xie He3, Su Shi4), l'Islam médiéval (Al-Kindi, Al-Farabi5, Avicenne), jusqu'à la Renaissance (Dante, Cennini, Ghiberti, Alberti, Léonard de Vinci, Vasari) ainsi que, depuis, dans les diverses traditions d'écrits et de propos sur l'art6, comme la critique d'art, les traités d'artistes, d'antiquaires, de voyageurs, etc. C'est dans le contexte du renouvellement des questions scientifiques des XVIIIe et XIXe siècles (en particulier avec Winckelmann, Rumohr7 et Burckhardt), que l'histoire de l'art prend forme, en parallèle au développement de l'archéologie, des bibliothèques et des musées publics en Occident (dans chaque cadre national naissant8), comme une spécialité de la philosophie et de l'histoire complémentaire à l'étude de textes, de la littérature.

Conditions de son enseignement actuel

En dehors de l'Allemagne et de l'Italie où pour des raisons historiques9 elle reste une matière bien intégrée au cursus universitaire, voire scolaire, on remarque que l'histoire de l'art continue d'être considérée comme un domaine marginal ou mineur en dépit de sa relative bonne image dans le public. De son côté la discipline est particulièrement subdivisée en sous-spécialités très hétérogènes (périodes historiques, aires culturelles, traditions méthodologiques, affinités institutionnelles10, etc.), entre lesquelles les rapports sont parfois tendus et l'unité fragile (cf. H. Belting, D. Riout, É. de Chassey).
Par exemple, en France, selon le président de l'université Paris IV-Sorbonne (France Culture, 23 mars 2007), le taux d'échec aux examens des étudiants en première année d'histoire de l'art et archéologie est de 70 % (mais 45 % sur le site de Paris-I). Le cursus est régulièrement pris en exemple des dysfonctionnements de l'université (décalage entre les objectifs des étudiants au moment de leur première inscription et la réalité des enseignements, débouchés professionnels et formation permanente, encadrement et moyens des départements11, cohérence des contenus et refus de l’interdisciplinarité, recrutement des enseignants, évaporation des doctorants, etc.).

La question des méthodologies

On distingue très sommairement deux approches en histoire de l'art12, selon leurs objectifs (voir aussi les théories structurelles et individualistes13, ainsi que l'opposition formes/contextes14, en particulier dans le monde anglo-saxon15) :
  • La plus courante ayant comme fin la mise à jour de corpus d'œuvres et d'artistes, de la singularité de leurs discours, fondée sur des notions telles que chef-d'œuvre, styles, manière, écoles, mouvements, tendances et leurs articulations, leurs interactions avec l'histoire, les événements politiques et sociaux. Identifier, classer et hiérarchiser est alors parfois considéré comme un fondement méthodologique (cf. A. Chastel). Mais dans certains cas cette approche est qualifiée (ironiquement) d'attributionniste16 pour son goût des biographies narratives et des catalogues ou monographies d'artistes.
  • L'autre approche s'interroge aussi sur son propre discours sur l'art, sur la théorie de l'art17 ou sur les frontières de l'art18 – plus proche des sciences de l'art19, est elle aussi initiée autour de (de) Berlin et Vienne20 au XIXe siècle21. Donc, au-delà de l'historiographie (la manière dont cette histoire est écrite), il s'agit de confronter l'œuvre et les enjeux de l'artiste (cf. les « référents irréductibles » selon J. Lichtenstein17) avec les regards qui sont portés sur eux. Aujourd'hui, certains parlent d'histoire de l'art critique (cf. Fr. Bardon, M. Podro22) et de nouvelle histoire de l’art (cf. A. Wessely23), d'histoire de l'art comparée (cf. Chr. Michel24) voire d'histoire de l’art philosophante (R. Pouivet25).
Plus largement, on peut présenter son domaine d'application comme tout ce qui relève de l'œuvre poétique (au sens large, qui provoque un écart esthétique) et de son contexte culturel et spirituel, depuis ses conditions de production par son auteur, de présentation et de diffusion, jusqu'à sa perception variable dans le temps par un public reconnaissant – ou non – un caractère artistique à l'objet26, ou à l'acte de l'artiste, et à sa représentation.
La mise en œuvre d'une histoire de l'art fait donc appel simultanément à différents savoirs et expériences, et il est plus simple de souligner ce qu'elle n'est pas censée être (un jugement sur l'art, un catalogue de collection, une lecture exhaustive de l'œuvre27, un parti pris idéaliste28, etc.), que de définir ce qu'elle est parfois (un travail critique, une interprétation, une épistémologie – un discours sur la connaissance), mais cela toujours avec une certaine érudition (un « savoir approfondi » ; soit une ambition en matière de documentation et d’interprétation des œuvres29).

Tableau synthétique récapitulatif

Quatre étapes du travail de l'historien de l'art face à un objet peuvent rapidement être mises en valeur :
  • la description, l'analyse formelle, structurale30, iconographique, iconologique de l'œuvre et de ses contextes31 ;
  • son analyse matérielle, technologique ou physique (en laboratoire pour la datation, etc.) ;
  • l'étude des sources historiques autour de la production de l'œuvre (contrat, projet, etc.) ;
  • et autour de sa perception (commentaires, critiques, interviews, etc.), soit la connaissance des sources documentaires secondaires.

L'histoire de l'art considérée comme une science ?

Du fait que de nombreux contributeurs à l'histoire de l'art32 ne se sont pas qualifiés ni situés comme historiens de l'art33 (voire hors du champ de la science), elle est parfois présentée comme une science transdisciplinaire ou multidisciplinaire34. Mais on discute aussi beaucoup de sa place dans les sciences humaines (cf D. Arasse) et sociales (est-ce une science appliquée aux musées ? Quelle est l'autonomie de la discipline ? Par exemple).
On constate ainsi que l'histoire de l'art s'approprie de nombreuses méthodologies et perspectives scientifiques, par exemple : phénoménologique (Maurice Merleau-Ponty, etc.), psychologique (René Huyghe, etc.) et psychanalytique (Meyer Schapiro, etc.), sociologique (Arnold Hauser, Pierre Francastel, Howard Becker), structuraliste (Aby Warburg, Erwin Panofsky, Hubert Damisch, Pierre Daix), marxiste (Michael Baxandall, Françoise Bardon, etc.), formaliste et sémiologique (Heinrich Wölffin, Roland Barthes, Umberto Eco), postmoderniste (Achille Bonito-Oliva, Jean-François Lyotard, Jacques Derrida).
De plus, il serait fastidieux de citer toutes les disciplines auxquelles font appel les historiens de l'art, de l'histoire culturelle, sociale, à l'anthropologie de l'art ou culturelle en passant par l'esthétique, la linguistique, l'économie de la culture, la théorie de la littérature, la communication ou la médiologie, les Visual, Gender, Cultural ou Queer studies, et des diverses études comparées, conséquences des nouvelles questions épistémologiques contemporaines.

Histoire de l'histoire de l'art

Articles détaillés : Histoire de l'histoire et Histoire des sciences.
Schématiquement, l'histoire de l'art telle qu'on l'a conçue de la Renaissance - depuis Giorgio Vasari et sa Vie des Artistes célèbres (Le Vite), en passant par le XVIIIe siècle de Johann Joachim Winckelmann jusqu'au XIXe siècle hégélien - est l'histoire d'un progrès de l'art.
L'art est supposé passer d'un stade archaïque à un stade classique, avant de tomber en décadence.
Les arts grec et romain sont présentés en exemple de cette courbe de développement.
Pour l'art grec, la notion d'art était différente de celle qui est présente dans la civilisation occidentale. En effet, en grec, le mot « art » se disait tekhné, la technique. Les Grecs ne faisaient ainsi aucune différence entre l'artisan et l'artiste ; seul le « faire » semblait avoir son importance.
La période archaïque correspond à l'art minoen, mycénien et cycladique ; la période classique à l'apogée de la création attique (le Parthénon à Athènes contemporain des sculptures de Phidias du théâtre d'Aristophane et des philosophes Platon, Socrate...) ; s'ensuit la décadence de la république athénienne et celle concomitante de l'art hellénistique jusqu'à l'invasion romaine.[réf. nécessaire]
Pour l'art romain, la période archaïque est celle de l'art fruste et austère de la République ; l'art classique correspond à l'apogée de l'Empire ; l'art du Bas-Empire (en particulier paléochrétien) aux formes simplifiées était perçu comme une décadence sous les coups de boutoir des invasions barbares.
Le changement de cette perception a lieu avec la publication, en 1901, à Vienne, de l'ouvrage d'Aloïs Riegl, L'art du Bas-Empire romain qui montre que la création artistique qui accompagne la chute de l'Empire romain ne doit pas être interprétée comme décadence, mais comme changement de norme et naissance d'un nouveau paradigme. On notera la concordance entre la publication de cet ouvrage théorique et la pratique artistique de la Sécession viennoise qui s'affranchit alors des canons des Beaux-Arts, quelques années plus tard Kandinsky et Kupka créent les premières œuvres abstraites et Picasso et Braque le cubisme ; comme pour donner raison à Riegl…
À partir de là, l'histoire de l'art (jusque-là prisonnière du paradigme de la Renaissance : faire « revivre » l'apogée des arts antiques et expliquer quelles sont les conditions esthétiques – mais aussi politiques, économiques – de la création d'un art « classique ») reconnaît la pluralité des normes stylistiques simultanées (d'où aussi, étant donné l'effondrement d'un effort dogmatique et normatif, la multiplication des courants artistiques) et s'attache à constater, répertorier, comparer, expliquer les arts plutôt que l'art.
voir plutôt (ces paragraphes sont à réécrire) :
* J. von Schlosser (de), La littérature artistique : manuel des sources de l'histoire de l'art moderne, Paris, 1984 ; réimpr. 1996 (ISBN 2-08-012602-4) ; trad. d'après la 1re éd. en all. de 1924, et les éd. en ital. d'O. Kurz de 1956 et 1964.
* A. Hauser (en) (de), Philosophie der Kunstgeschichte, Munich, 1958 ; trad. angl. The philosophy of art history, Evanston, 1985 (ISBN 0810106728).
* G. Bazin (en), Histoire de l'histoire de l'art : de Vasari à nos jours, Paris, 1986 (ISBN 2-226-02787-4).
* Kunstgeschichte : eine Einführung [Histoire de l'art : une introduction], sous la dir. de H. Belting, H. Dilly, W. Kemp, W. Sauerländer et M. Warnke, 1986 ; 7e éd. rev. et corr., Berlin, 2008 (ISBN 978-3-496-01387-7).
* Funkkolleg Kunst : eine Geschichte der Kunst im Wandel ihrer Funktionen, sous la dir. de W. Busch (de), Munich, Zürich, 1987, 2 vol. (Serie Piper, 735-736) (ISBN 3492107354), nouv. éd. 1997 ; suivi de Moderne Kunst : das Funkkolleg zum Verständnis der Gegenwartskunst, sous la dir. de M. Wagner (de), Hambourg, 1991, 2 vol. (Rowolts Enzyklopädie) (ISBN 3499555166 et 3499555174).
* Fr. Haskell (en), L'Historien et les images, Paris, 1995 (ISBN 2-07-073355-6) ; trad. d'après History and its images: art and representation of the past, 1993 (ISBN 0-300-05949-3).
* Fr. Bardon, Quelle histoire de l'art ?, dans Le Concert champêtre. Vol. 1, Un défi à l'histoire de l'art, Paris, 1995, p. 167-212 (ISBN 2-911105-01-X).
* G. C. Sciolla, La critica d'arte del Novecento, Turin, 1995 ; repr. 2006 (ISBN 88-600-8056-8).
* Histoire de l'histoire de l'art, sous la dir. d'Éd. Pommier, Paris, 1995-1997, 2 vol. (Conférences et colloques du Louvre) (ISBN 2-252-00319-7 et 2-252-03142-5).
* The art of art history : a critical anthology, sous la dir. de Donald Preziosi, Oxford, 1998 (ISBN 0-19-284242-0).
* H. Belting, L'histoire de l'art au tournant [conférence du 7 avril 2000 à l'UTLS], publiée dans Qu'est-ce que la société ?, sous la dir. d'Yves Michaud, Paris, 2000 (ISBN 2-7381-0910-1).
* Sur l’art et les moyens de son expérience, entretiens réunis par Chr. Domino35, Paris, 2005 (Les Nouveaux commanditaires. Réflexions croisées).
* Voir aussi les liens externes.

Histoire de l'art et classification des arts

Conséquence des divergences sur la définition de l'art36, des difficultés à l'aborder dans sa globalité37 et d'une méconnaissance des spécificités de l'histoire de l'art (qui n'est qu'observatrice de phénomènes historiques, et est à l'image de ses présupposés), les querelles sur la classification des arts et les catégories artistiques sont une « figure imposée »38 de l'histoire de l'art et de l'esthétique (par exemple la querelle des Anciens et des Modernes en littérature).

Contre quoi

Les termes alors retenus nous renseignent au moins autant sur ceux qui les énoncent (quand ? Où ? Dans quelle perspective ? Quel contexte ?) que sur les œuvres qu'ils sont censés regrouper ou décrire. En plus de proposer une nouvelle grille généalogique de l'art, ils se définissent couramment « contre » (un autre mouvement, une école, etc.) ou par l'exclusion (hors du champ de l'art, d'une pratique). Il est remarquable que leurs significations soient extrêmement variables dans le temps, et soient passées de négatives à positives de nombreuses fois (baroque, impressionnisme, etc.).

Arts visuels

Ces dernières années[Quand ?], certains réduisent l'histoire de l'art à l'histoire de l'art visuel, surtout pour la distinguer de la musicologie, de l'étude du spectacle vivant (théâtre, danse, cirque, etc.) ou de la littérature (voire de l'architecture), bien qu'en parallèle d'autres l'associent au champ très large du patrimoine culturel. Effectivement, dans certains contextes scientifiques (en histoire et en linguistique particulièrement), il est habituel d'isoler la culture visuelle de la culture orale ou écrite pour en étudier les spécificités (les sources non écrites et le langage non verbal).
Ainsi on peut préférer le terme image (dans le sens de toute représentation, quelle qu'elle soit) pour éviter l'ambiguïté des termes art ou œuvre, considérés comme qualitatifs. Mais il ne faut pas confondre l'image perçue par l'œil avec l'idée de l'œuvre, souligné par la formule La pittura è cosa mentale39 (La peinture est « chose mentale », un signe40 ? Une expérience intime ?), extraite des réflexions de Leonardo da Vinci sur l'art et la science41. Enfin l'expérience esthétique fait appel à plusieurs sens simultanément et rares sont les pratiques artistiques qui se développent sans interactions avec d'autres.

Arts plastiques

Article détaillé : arts plastiques.
Dans le monde francophone, il en est de même de la triade classique (figée à la fin du XIXe siècle) beaux-arts / arts décoratifs / arts industriels, qui est reformulée à partir des années 1960 en arts plastiques (et graphiques) / architecture et architecture d'intérieur / arts appliqués, mode et design42. Cette catégorisation est plus la conséquence de traditions institutionnelles43, commerciales ou industrielles, qu'une frontière (qui serait due à l'expérience de l'artiste, à son statut d'auteur, aux fonctions de l'œuvre, à sa technologie ou à son public) entre production artistique et artisanale. Plusieurs mouvements nous font remarquer l'arbitraire de ces limites, comme, par exemple, le mouvement Arts & Crafts britannique, l'Art nouveau français ou le Bauhaus allemand, ainsi que le pop art, le kitch, etc.
Pour ce qui est du fondement historique de l'adjectif plastique, certains44 remarquent qu'à la Renaissance italienne, l'arte del designo (les arts du dessein) regroupaient les arts du volume (modelage, sculpture, architecture) et ceux de la surface (dessin, peinture, gravure). On retrouve respectivement aujourd'hui cette opposition dans les expressions « arts plastiques » et « arts graphiques ». Le point commun de ces pratiques manuelles, mais sans exclusivité serait alors l'action sur la matière, leur caractère évocateur.
Enfin, l'expression correspond, surtout depuis Josef Beuys et le succès du terme plasticien, à une « façon d'être un artiste » et opportunément « d'éviter l'assignation à des catégories d'activités artistiques dépassées par la pratique » selon Nathalie Heinich45.

Débats en France

Signalons par ailleurs que le débat actuel, en France, sur les arts visuels (ainsi que celui sur l'histoire des arts, en rapport avec les historiens d'art), succédant à celui plus ancien sur les arts plastiques, est aussi lié aux réformes de l'éducation artistique46 (perçu comme « expression d’une idéologie dominante47 »). Ces réformes sont l'objet de nombreux corporatismes (bien sommairement, entre les cursus esthétique/arts plastiques et ceux d'histoire de l'art/conservateurs de musée), particulièrement amplifiés dans un contexte de réduction des effectifs48 et des moyens par l'opposition entre deux ou trois ministères49 (culture, éducation et recherche).

Enjeux de la terminologie

Bien qu'imprécises50 ou critiquables (et faisant l'économie des questions du statut de l'œuvre et de l'artiste), ces terminologies sont cependant significatives des enjeux contemporains, de la vitalité des lieux de créations et de réflexions artistiques actuels, au-delà du morcellement ou de l'appropriation des approches (et de l'enseignement) de l'art ou de son commerce, mais elles n'impliquent pas, en soi, un rétrécissement du champ d'études de la discipline histoire de l'art.

Classement géo-culturel et chronologique

La Grande Mosquée de Kairouan (en Tunisie), fondée initialement en 670, a été reconstruite dans sa forme actuelle au IXe siècle ; c'est un exemple remarquable de l'art (céramiques à reflets métalliques du mihrab, chaire à prêcher en bois de teck sculpté datant de 862, etc.) et de l'architecture islamique.
Klimt : tableau tiré des frises Beethoven dans la Galerie Secession de Vienne - 1902. L'interprétation du symbolisme de cette œuvre implique une étude de son iconographie et de ses aspects matériels.
Le découpage chronologique (en relation avec les aires géographiques et culturelles51) pose les mêmes problèmes de pertinence qu'aux historiens (voir les remarques au début des articles suivants) : Préhistoire et Protohistoire, Antiquité et Antiquité tardive, Moyen Âge, Époque moderne, Époque contemporaine. Et il est significatif que les grands ensembles non occidentaux restent relativement sous représentés ou traités à part dans les histoires générales de l'art, en particulier les arts dits premiers52 (l'art d'Afrique, d'Océanie, de l'Arctique, des Amériques), l'art de l'Asie (d'Asie centrale, de l'Inde, de l'Asie du Sud-Est, de Chine, et du Japon) et ceux de la civilisation musulmane ou du Proche-Orient.
Remarquons qu'entre autres imprécisions, il faut pour l'art moderne distinguer le temps qui correspond à l'époque moderne des historiens (entre le Moyen Âge et le XIXe siècle) et les œuvres qui ont participé aux idées de modernité53 et d'avant-garde dans l'art (depuis le milieu du XIXe siècle, ou le début du XXe) plutôt associées à la période contemporaine en histoire. Effectivement on considère habituellement que l'art contemporain recouvre tout l'art actuel pour un groupe d'individu (évidemment avec des restrictions très variables sur ce qui est reconnu comme actuel 54, vivant, nouveau ou à la mode), mais aussi l'art qui a des conséquences directes sur l'art actuel (dans le cas des œuvres de Marcel Duchamp, par exemple).
Ces diverses difficultés posent en plus la question de l'universalité de l'art (comment comparer ce qui est comparable ? Peut-on l'appréhender dans une seule « histoire » ?). En ce sens, l'approche synchronique et diachronique des œuvres (« à un moment précis » et « dans ses évolutions ») permet aussi d'aborder les langages de l'art hors de limites chronologiques et géographiques perçues comme arbitraires.
Voir en premier lieu le portail de l'Histoire de l'art, et parmi les nombreuses publications8,33 comme :
* La collection Manuels de l'École du Louvre, Paris, depuis 1995 (5 vol. à ce jour) (ISSN 1245-2467).
* Histoire visuelle de l'art, sous la dir. de Cl. Frontisi, Paris, 2001 ; nouv. éd. 2005 (ISBN 2-03-509314-7) extraits.

Subdivision thématique

Voir surtout la catégorie sur les thèmes artistiques.

L'historien et les mondes de l'art

  • Traditionnellement on oppose l'histoire de l'art à la critique d'art, dans le sens où celle-ci est un jugement (une appréciation du beau, du goût) fondée sur l'intuition et la sensibilité, et non sur une argumentation scientifique. De plus le critique tend lui aussi à faire œuvre, littéraire, parfois avec l'artiste même ou son environnement, voire en interaction avec une galerie et le marché de l'art.
  • Au sein des acteurs du monde de l'art, une autre distinction courante est celle entre le terme d'amateur d'art (mais a un double sens : qui sait apprécier, qui ne connaît pas ou peu), comme un collectionneur, et de professionnel de l'art55 comme un marchand d'art, ou toute personne rémunérée pour son rapport à l'art (donc l'historien spécialisé ? Un commissaire d'exposition ?).
Certains de ces deux caractères (de critique et d'amateur d'art) se retrouvent chez le (en) connoisseur anglo-saxon.
On distingue56 aussi l'historien de l'art avec :
  • Un conservateur de musée57 qui a comme mission d'inventorier, de préserver, d'enrichir et de rendre accessible une collection, un patrimoine, dans de nombreuses contraintes physiques et de gestion (institutionnelles, locales, commerciales, etc.). Cependant cette profession, comme celle d'archéologue, du fait de la proximité historique et scientifique de ces pratiques, se confond souvent avec l'histoire de l'art.
  • Un restaurateur d'art, de musée ou architecte des Monuments historiques, professions liées à la précédente58.
  • Un expert en art, travaillant pour des compagnies d'assurance, des galeries, des musées ou des particuliers ; et un médiateur patrimonial spécialisé dans les aspects juridiques…
  • Un médiateur culturel59, un conférencier, un guide, travaillant dans un souci de promotion et de vulgarisation (au bon sens du terme).
  • Un artiste, un artisan, un « praticien de comportements artistiques », ou un enseignant de ces « pratiques de production artistiques », dans le sens d'une opposition entre regard8 et pratique (qui rappelle cependant l'opposition entre enseignants et chercheurs, dans une même discipline).
Ces postures face à (et dans) l'art se combinent plus qu'elles ne s'excluent et il est habituel d'alterner plus ou moins heureusement, deux, trois, ou plus, de ces attitudes au XXIe siècle (et pas seulement avec celle d'historien de l'art).
La notion européenne d'art a absorbé au XXe siècle à la fois d'autres civilisations et des produits industriels. Désormais, à l'heure du tout-écran, se posent des questions de frontières et de disciplines. Voilà pourquoi les historiens ont intégré le visuel (dont l'art) dans leurs sources d'études et voilà pourquoi s'est créée une histoire générale de la production visuelle humaine intégrant l'art et ses spécificités (Laurent Gervereau 60).

Critiques de l'histoire de l'art

Parmi les critiques61, on reproche parfois à l'histoire de l'art :
  • son ethnocentrisme occidental (G. Bazin), soit d'être fondée sur l'étude des arts chrétiens et de ses sources gréco-romaine ;
  • ses traditions toujours fortement élitistes62 et hiérarchisées (voire corporatistes10), ainsi que ses difficultés à proposer des instruments de culture générale.
  • de se contenter de prendre acte, a posteriori, de cette idée floue d’art, dans des démonstrations anachroniques où le concept est inexistant ou différent, selon l'époque ou le lieu concernés ;
  • d'associer des méthodes rationnelles avec un « faux concept » (Françoise Bardon28), potentiellement anhistorique (privé d'histoire), un domaine « irréductible à une approche de l'esprit » (Claire Barbillon8) ;
  • de perpétuer une typologie des « arts nobles »63, une vue partielle (et partiale) de la culture, une vulgate de l'art, dans un cadre fétichiste ou sexiste ;
  • de réintroduire un rapport à l'art divinisant ou inaccessible, associant artiste, génie, dieu ;
  • une approche qualitative des sources de l'histoire (noté par Nadeije Laneyrie Dagen) : parler d'œuvre est déjà un jugement du document, une sélection, au contraire de la catégorie image, plus neutre (dans le sens de toute source à l'imaginaire).
  • d'étudier les conditions de la création artistique et de laisser de côté l'aspect matériel et technique de l'œuvre ;
  • de gloser sur la glose, de s'approprier la parole sur l'art, dans une certaine indifférence aux réalités des artistes dans la société d'aujourd'hui, et aussi d'ignorer la simplicité (sa banalité, « à la disposition de tout le monde ») de l'expérience poétique quotidienne.

Citations

  • L'histoire de l’art est une « discipline qui prend en charge, en les identifiant, en les classant et les hiérarchisant, les produits de l'activité humaine dans les domaines de la création "visuelle", différents de la musique et de la littérature » (André Chastel64)
  • « L'histoire de l’art se réduisant pour l’essentiel à une histoire des formes – ou des idées » […] « il s'agit d'esquisser une histoire des œuvres au travers d'un de leurs éléments fondateurs, la matière [et l'immatériel] » (Florence de Mèredieu65).
  • « Même si elle veut souvent se donner l’aspect d’une discipline scientifique en reprenant les protocoles d’énoncé des sciences dites exactes, l’histoire de l’art n’est pas la “science de l’art” (traduction imparfaite de l’allemand (de) Kunstwissenschaft) et, si on doit la compter au nombre des “sciences humaines” (ce que ne fait pas Lévi-Strauss [qui la classe significativement dans les “arts et lettres”]), elle est la “science des comportements artistiques humains”, une science des “pratiques artistiques” dont les critères de scientificité sont loin d'être établis » (Daniel Arasse, voir la conférence en lien externe).
  • « Il n‘y a pas, il ne peut y avoir un secteur quelconque de la vie des hommes où tout se passerait en vase clos. Je ne crois pas, malgré l’estime exceptionnelle que j’ai pour Alexandre Koyré, qu’une histoire des sciences existe en soi ; ou pareillement, contre la majorité des historiens d’art, que l’art soit hors des contingences sociales où en réalité il plonge ses racines […] L’art et la littérature ne sont qu’un langage pour la société qui le parle, l’écoute, l’approuve ou non, le modifie le cas échéant. » (Fernand Braudel66, 1974).
  • « […] si nous tentons de connaître l'art, nous avons absolument besoin d'un instrument d'analyse précise, car la connaissance à laquelle nous parviendrons sera d'autant plus proche de la vérité que sera plus étendue la panoplie scientifique dont nous disposerons. Pour la conscience esthétique contemporaine, la question de la science de l'art (Kunstwissenschaft [qui inclut la philosophie de l'art, la sociologie et l'histoire de l'art, l'esthétique, et pour finir la théorie des genres artistiques particuliers]), en tant que branche exacte du savoir, ne se pose plus. » (Nikolaï Taraboukine67, 1916, p. 104 et 108-109)
  • « Je ne parle ni de l'art ni de l'histoire de l'art, mais des problèmes actuels de ces deux » (Hans Belting68, voir la conférence en lien externe).
  • L'historien de l'art « cherche avant tout à interpréter [les œuvres d'art] », […] « c'est toujours à partir de ces généalogies [de discours sur l'œuvre d'art], de ces interprétations, que se font les interprétations nouvelles » (Roland Recht8) dans la perspective d'un « apprentissage du regard critique, historique, donc informé par l'histoire » de l'œuvre rigoureusement considérée comme une « image monde » (pour comprendre les discours portés par et avec l'œuvre).
  • « Pour aller plus loin sur ma position par rapport à cette question de la pédagogie, c’est que longtemps, étant pour ma part formé par l’histoire de l’art, j’ai voulu qu’il y ait un distinguo entre la transmission des savoirs pratiques (le cours de dessin…) et ce qui était l’éducation de l’œil. Aujourd’hui je pense que c’est un cheval de bataille qu’il faut absolument abandonner. On pourrait se poser la question (parce qu’on nous rebat beaucoup les oreilles sur la nécessité d’une sorte d’éducation civique au sein de l’école) de la perception comme un élément de l’éducation civique. On peut se demander si l’éducation ne devrait pas viser à former des spectateurs et donc des percevants, plutôt que de les placer dans une relation simplement historicisée par rapport à un patrimoine. » (Xavier Douroux35, 2005, p. 63).
  • « L'histoire de l'art, constatait dans son introduction Heinrich Dilly69, ne peut plus se contenter d'étudier les œuvres singulières comme expressions d'esthétiques normatives, mais elle doit étudier l'histoire du changement des normes esthétiques elles-mêmes. On pourrait élargir cette perspective : elle ne doit plus traiter chaque œuvre comme une donnée absolue qui détiendrais sa vérité propre, mais chercher à comprendre le devenir historique de chaque œuvre à travers les regards qui l'on scrutée. Une telle enquête devrait nécessairement conduire l'historien de l'art à reconnaître la relativité de sa propre position historique. » (Roland Recht, Revue de l'art, 124 1999, p. 9).
  • « The connoisseur might be defined as a laconic art historian, and the art historian as a loquacious connoisseur » [Le connoisseur peut être définit comme un historien de l'art laconique et l'historien de l'art comme un connoisseur loquace] (Erwin Panofsky, Meaning in the Visual Arts, 1955)70.
  • « […] comment éviter deux réductions parallèles, celle qui définit l'œuvre d'art uniquement par le plaisir subjectif qu'elle procure à un individu, et celle qui s'interdit tout jugement de valeur pour ne voir dans l'œuvre qu'un objet historique et "culturel" qu'on peut expliquer par l'"esprit du temps", les conditions sociales et économiques, les influences, la mode, le marché ou la psychologie des créateurs. » (Jean Lacoste, La Philosophie de l'art, Paris, 1981, p. 125).
  • « L’histoire, la mémoire demeurent non seulement des matériaux et des réalités de l’art, mais un de ses objectifs. L’art est un mode d’accès à l’historicité de manière plus essentielle que l’inverse : l’histoire comme mode d’accès à l’art. » (Christophe Domino35, 2005, p. 72.)
  • « […] une réflexion sur la légitimité et la vitalité d'une métahistoire de l'art […] démontrerait sans doute qu'il n'y a pas d'antinomie entre l'histoire et la norme, mais que toute réflexion historique commence par prendre appui sur une théorie des arts ; elle rappellerait que la conscience de la dimension historique de l'art est aussi solidaire d'une certaine conscience collective, qui peut se former autour d'une histoire plus large, celle d'une cité, d'un état, d'une dynastie ; elle aiderait à relativiser las prophéties sur la mort de l'histoire de l'art, en montrant que les époques, les milieux, les cultures, les institutions inventent, au fur et à mesure, mille et une modulations à l'intérieur du discours historique sur l'art. » (Édouard Pommier, 1997, p. 9-10)
  • « […] dans son cas, ce n'était pas une théorie toute faite à laquelle les faits devaient s'adapter à tout prix ; sa démarche ne consistait pas à appréhender l'histoire de l'extérieur. Ses idées se développaient dans une lutte constante pour interpréter et expliquer à lui-même et à autrui les expériences acquises au contact le plus intime avec l'objet – dont la base empirique est vaste et substantielle. » (Otto Pächt à propos d'Aloïs Riegl71, 1966, p. XXVI)
  • « En tant qu'historiens nous sommes "théoriciens" et "sceptiques", et cela surtout dans le beau sens étymologique de ces deux termes, qui veulent dire regarder. Regardons les phénomènes historiques non pour les "juger", non pour les "défendre", mais pour les comprendre dans leur développement. Ceci semble l'unique objectif de l'histoire de l'art en tant que discipline historique. » (Julius von Schlosser, cité par Otto Kurz (en) en 195520, p. 26)
  • « Si l'on considère l'histoire de l'art non plus comme la simple histoire du savoir artistique, mais comme celle des intentions, elle gagne en importance au point de vue de l'histoire universelle, […] elle prend place à côté […] des conceptions du monde. » (Wilhelm Worringer en 1927 dans L'Art gothique, cité par Marie-José Mondzain-Baudinet, dans L'Encyclopædia Universalis, s. v.)
  • « À quoi sert l'"histoire de l'art", si ses méthodes ne permettent pas d'ouvrir une perspective sur la connaissance que délivrent, à des degrés divers, les œuvres ? […] L'"histoire de l'art" serait-elle une pure fiction idéologique ? Ne doit-elle pas affronter les "dangers" qu'elle provoquerait en renonçant à sa magie, en devenant pour tous un instrument spécifique de connaissance, à l'égal de la philosophie, de la science, des autres arts ? » (Françoise Bardon28, 1995, p. 211-212)
  • « Qu'il s'agisse de la théologie, de l'esthétique, de la sémiologie, il apparaît qu'un certain logocentrisme n'a jamais pu être véritablement surmonté dès qu'on abordait l'analyse de l'image. » […] « Seuls peut-être [quelques textes d'artistes et de critiques d'art] ont su se soustraire à cette illusion en préservant à l'intérieur du langage une distance nécessaire entre l'ordre du discours et l'œuvre comme référent irréductible. » (Ja

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